7.10.09

our finish line is at the foot of my bed.


Les pieds croisés en l’air et la tête au plancher comme pour me brasser les névroses et me secouer les chagrins des derniers temps, je revivais tes mains sur moi chaque fois que mes paupières se fermaient. Un court instant ou le temps de revoir une scène entière. Notre histoire est plus claire quand on la regarde à l’envers.


***


Du plus loin que j’me souvienne (et j’ai une sale mémoire, j’ai mis les hommes de ma vie dans l’pétrin bien des fois grâce à cette force), on a toujours couru toi et moi. Je t’ai couru après comme une gamine, avec trop d’enthousiasme et bien maladroitement, pis tu m’as couru après comme un homme, avec le goût du défi mais un manque d’audace dans les yeux. On s’est mis à courir envers et contre tous. Tu me dépassais de 6 années de vie, mais du haut de ma ptite jeunesse, j’étais déterminée à te rattraper, quitte à courir en solitaire et que tu m’attendes à chaque halte, le temps d’un baiser caché et d’un autre pas assumé. On a souvent couru jusqu’à l’épuisement. On s’est arrêté pour s’abreuver auprès de quelqu’un d’autre, une âme de notre calibre qui nous reposait un moment, puis ben je te voyais filer à toute vitesse et je n’pouvais pas te laisser gagner. Je te suivais toujours. Plus forte et plus femme. Un marathon plein d’obstacles et de détours.


Et sans m’en rendre compte, j’ai trouvé ton rythme, mes battements se faisaient aller sur les tiens, en même temps, le fil d’arrivée se dessinait (enfin, que tu m’dirais).


À ce moment précis, j’ai ralenti et j’ai regardé derrière moi, derrière nous. Tout le chemin que nous avions parcouru me surprenait un peu. C’est qu’avec tous les imprévus, tous les soupirs et les envies d’cesser de courir (avouons que le défi était grand et la course à risques), j’croyais jamais qu’on se serait rendus. J’t’es pris par la main, un goût de bout du monde me pincait l’coeur, et j’mourais d’envie que tu me suives.


Le fil d’arrivée s’était déchiré. C’était gagné. J’nous croyais franchement invincibles.


On est tombé à genoux. Toi pour moi, moi pour toi.


La course avait été si longue, on avait vieilli, moi de corps, toi d’esprit.


Nous avions d’quoi être fier. «Je t’ai, tu m’as» que j’me retenais de te chuchoter depuis mes treize ans. Y’avait plus rien pour nous arrêter.


***


Sauf moi peut-être. Le bonheur coincé au fond de mon ventre ne me suffisait même pas. Le fil d’arrivée n’était plus le signal de départ que j’m’étais imaginée pour nous. Des fourmis dans les jambes et un coeur au bord des lèvres, j’voulais courir. Et j’voulais que tu me fasses courir, quitte à ce que tu t’essoufles avec une autre pour quelques kilosemaines. J’voulais emprunter d’autres pistes, te fuir et que tu me rattrapes, te semer et que tu m’retraces. J’pouvais pas rester en place. Pas avec toi. Même si j’avais mis tous mes rêves olympiques dans ta poche de hood. On faisait équipe en étant des éternels rivaux. Et cette vérité m’résonnait dans les talons à chaque pas, à chaque bouffée d’O2.


***


Et depuis que j’t’es raconté, que t’as accroché tes runnings et déclaré forfait, j’ferme les yeux dès qu’je peux et je me rejoue la fin de la course. Une reprise. Au ralenti. J’tente de comprendre ce qui s’est passé entre le coup de sifflet et mon envie trop forte de courir plus vite que toi. De courir sans toi.


J’avais tellement rien vu venir (quand on court, ce qui nous entoure s’embrouille, c’est flou...) que j’avais acheté des billets de spectacle pour nous, pour ton anniversaire.


J’suis allée les chercher ce weekend. Le gardien de sécurité m’a cruisé, m’a dit: «ben à vendredi prochain!», pis j’ai répondu avec un sourire en coin à son clin d’oeil. Incapable de lui dire: «non, c’est plus pour moi... Je les ai vendues...»


Ces billets-là sont le symbole de notre échec. De mon échec même. Si ça te fait sourire entre deux virages.


Pis j’me rejoue la course au complet. À l’envers. Je revis tes mains sur moi chaque fois que mes paupières se ferment.

3 comments:

laccroc said...

Très beau texte, je viens de te découvrir, je vais revenir c'est sur, en attendant je vais aller en lire un peu plus.

Au plaisir.

Noémie said...

ça arrache.
ben raide.

Joanie said...

magnifique