30.12.08

blind winter.

Je le voyais enfin assis là. À ressentir le poids de sa vie, à relire le livre de leur histoire, la couverture était craquelée, il manquait des pages à sa version. Plus ses mains s'agrippaient à ce livre, plus son dos s'arrondissait sous la lourdeur des mots qu'il n'aurait jamais choisi, plus ses yeux combattaient la noyade. Plus son coeur lui remontait à la gorge, emmenant avec lui un flot de phrases qu'il se devait de lui crier, même si elle se bouchait les oreilles de ses deux doigts salis par la résignation. Je le voyais du coin de mon regard, assis là, misérable, les pupilles figées sur ce maudit livre qu'il voudrait lancer au fond de la pièce avec la force traduisant son désespoir.




Elle avait beau courir, elle avait beau courir plus vite encore, jusqu'à la totale ignorance, jusqu'au déni le plus puissant, il allait partir à sa recherche et lui soulever le menton, la forcer à écouter le bruit de sa tempête. Depuis trop longtemps elle l'avait mis en sourdine. L'autodestruction lui va mal. Elle lui creuse les joues et lui durcit le regard. Elle lui gruge la chair et lui recourbe ses épaules frêles. Elle était elle-aussi à bout de souffle, à force de courir, à forcer de fuguer. À bout de tout, elle relisait les pages jaunies du livre qui les attachait ensemble et se refusait d'entamer le dernier chapitre. Dans un grand tapage elle le refermait avec force devant tout le monde.




Il avait l'âme complètement tordu. Je la voyais se tortiller de mon siège, entre deux vies, entre deux livres. Clairement, je voyais ses deux mondes se croiser, se rentrer dedans, se bousculer comme des enfants. Des sentiments nouveaux qui le jettent par terre, mais qui sont si lourds à traîner, et des vieilles émotions qui ont tout vu, qui ne tremblent plus, qui ne font plus frissonner l'être qu'elles habitent. Ses réponses étaient toutes là, flanquées contre le mur de son entêtement.




La détresse s'était installée au fond de leurs deux crânes, comme la seule chose qui les unissait encore. Grièvement blessé par le vide de ses yeux quand il la regarde, du moins quand il ose, elle conservait ses sourires dans un tiroir, elle l'ouvrirait désormais pour les autres, parce que ceux qu'elle tente de lui présenter se font renvoyer à grands coups de lassitude. Grièvement blessé par le mal qu'il lui faisait et conscient de la cicatrice brûlante qu'il laisserait en signature le jour de son courage, le jour de son départ, il conservait ses sourires pour celle qui avait provoqué tout ce vacarme, parce que c'était une autre fragrance qu'il l'étourdissait, d'autres faiblesses qui le dopaient et une autre âme qui séjournait près de la sienne.

Je la voyais assise-là, aspirer à sa présence. Pour toujours. En dépit de ses silences.

No comments: