Iryna
J’me suis demandée si aux yeux des autres tu passais inaperçue la première fois que j’t’es vue. J’me suis demandée si j’étais la seule que t’intriguait. Avouons qu’en ne nourrissant mes jours que de longues attentes derrière un comptoir de bois qu’à semi-verni, le temps m’a rattrapée et a pris l’iniative d’assouvir toutes mes banalités. Il faut dire qu’avec ta tignasse dorée et ta silhouette félinienne, t’as le potentiel de faire de ton chemin dans plusieurs crânes… Un avantage que tu gaspilles en te roulant les épaules et en épiant le plancher. Une chance que tu repousses en affichant toutes tes mauvaises manies et l’ampleur de ta maladresse bien trop calculée. Une longueur d’avance qui s’annule à chacun de tes pas mal assuré. L’idée de te transformer m’avait traversé l’esprit. Du haut de mon statut d’employé, j’étais persuadée de détenir les quelques mots qui auraient fait grimper ta confiance en ce monde, même propulsée dans ce pays d’étrangers qui ne comprennent pas ton langage. Ah oui, j’étais certaine qu’une phrase ou deux allaient t’encourager à retirer tous tes masques et à relever le menton. Ta maudite solitude dérangeait. Comme si les autres connaissaient tes secrets et n’avaient aucune envie de les partager avec toi. Ou encore comme si tu t’étais entêtée à bâtir des murs de verre autour de ta fragilité. Te sauver ou m’éloigner de ta pureté trop évidente pour ton âge était le dilemme du moment. Puis un matin, tu t’es totalement métamorphosée. L’enfant timide dont tu devais te débarrasser semblait t’avoir désertée au courant de la nuit, quelque part. T’as fait tout un vacarme en passant la porte du restaurant ce jour-là. Des talons hauts qui ne t’allaient pas du tout dans les pieds, ta démarche vers la machine à café ne s’était jamais autant affirmée. À ce moment précis, j’ai su que non, tu ne passais certainement pas inaperçue, surtout vêtue de ce sourire que tu avais décidé de nous cacher dès ton arrivée en Angleterre. Quelques instants plus tard, j’ai appris que tu retournais à la maison ce jour-là.
There is no place like home. Can we really be ourselves outside of it?
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